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Les inventions du bassin du commerce (encore)

Je vous l’avais promis cet article. Alors comme convenu, je vous présente Robert Fulton.

C’est une histoire un peu insolite que celle de l’invention de Fulton.

Du moins, pour ma part j’ai été assez surpris de découvrir ces aspects de notre culture havraise aux Archives Municipales.

Je voudrais vous parler de l’expérience de Robert Fulton au Havre.


Suivez moi, allons aux abords du bassin du commerce, là où tout à commencer…

J’ai choisi de vous parler de cette fameuse expérience de Robert Fulton, car, à proprement parler, nous sommes aux premières loges pour y assister. Enfin, à ceci près que nous sommes terriblement en retard. Et pour cause, elle a eu lieu il y a 217 ans.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, je vais vous présenter l’homme.
C’est un passionné lui aussi, un curieux qui cherche, il invente, il fabrique.

Il est américain. Il associe sa créativité de peintre à son savoir d’ingénieur.
C’est ainsi qu’il pensera les tout premiers navires à vapeur. En fait il va surtout améliorer le concept afin de lui donner la forme avec laquelle nous sommes familiers.
Mieux encore, il va inventer le sous-marin militaire, tel que nous le connaissons, en se basant sur les travaux exceptionnels de David Bushnell réalisés en 1776.

C’est justement cette histoire de sous-marin qui nous amène au port du Havre.

Quelle est la situation géopolitique ? Le directoire français est en guerre ouverte avec l’Angleterre.
Fulton propose à la France de la doter de navires submersibles afin de lutter contre ses ennemis de toujours.

Mais le Directoire est méfiant.
Fulton devra se montrer patient, et attendre le coup d’état de Napoléon pour pouvoir réaliser les plans de son prototype.
Et en 1800 Le Nautilus est fabriqué.

« Le Nautilus ». Ça ne s’invente pas.

Jules Verne quelques 70 ans plus tard écriera une œuvre que nous connaissons bien Vingt mile lieues sous les mers, s’inspirera-t-il de Robert Fulton et son submersible pour imaginer son Nautilus de science fiction ?
Aucun document ne lie l’écrivain au prototype de Fulton.
Nous ne pouvons que supposer, imaginer.

Comme le dirait M. Mauger, un chercheur, historien local « Certitude vaut mieux que supposition ».

Robert Fulton se voit donc gratifier de l’autorisation de faire des essais avec son « Nautilus »

Car Bonaparte ne va pas payer sans avoir vu une démonstration avant toute chose.

Il faut réaliser une expérience.

Une première plongée est tentée dans la Seine en 1800. Ça marche !

Et la deuxième expérience se veut plus grandiose. Il va falloir en mettre « plein la vue » comme on dit.

Les sources sont contradictoires au sujet de cette seconde expérience, mais j’aurais tendance à accorder plus de crédit à nos almanachs anciens et à nos revues illustrées de l’époque plutôt qu’ à un éventuel Wikipédia.
C’est donc une version 100% havraise que je vais vous livrer de cette expérience.

Je vais vous demander un petit effort d’imagination.

Nous sommes au bord du bassin du commerce.

Mais non pas en 2018, mais le 25 août 1800. Un curieux vaisseau va être mis à l’eau aux abords du bassin.
C’est Notre Nautilus !

6,48 m de long

1,94m de large

Sous ce cylindre une carène pour pomper l’eau de mer en guise de ballaste.

A l’avant du Nautilus, un trou d’homme et quelques hublots donnant à la surface, c’est le poste de commandement, je ne peux m’empécher de repenser à la futur “Puce de mer” de M. DeGasenko qui présentera une structure similaire.

Pas de sonar, pas de radar, on navigue à l’œil et à l’oreille.

A l’arrière, un double gouvernail permettant le virage et la plongée, et une hélice mue par des manivelles actionnées par deux hommes d’équipage.

L’équipage dispose d’un réservoir d’air comprimé et d’absorbeurs de CO2 à base de soude permettant de tenir plusieurs heures en plongée.

Sur le pont plat du navire, un mat rabattu.
La perspective de longue traversées est déjà envisagée, Le Nautilus serait propulsé par le vent, tel un voilier.

L’aspect technique de l’engin doit être vérifié.

Fulton veut passer de la théorie à la pratique.

Et c’est là tout l’enjeu de cette expérience : étudier en milieu marin les comportements techniques du Nautilus.

Ce 25 Août 1800, Le Nautilus s’enfonce dans l’eau du bassin du commerce.
Deux hommes éclairés à la bougie actionnent la vis d’Archimède qui propulse le submersible, le nautilus plonge.
Le voici à 5 pieds sous la surface, c’est un peu moins de 2m.

Il avance lentement, très lentement.
Trop lentement, il passe sous la passerelle du bassin (en lieu et place de notre actuelle passerelle ), puis regagne la surface.
L’expérience aura durée 2h00.

La propulsion ne va décidément pas du tout.

Fulton reverra sa copie par la suite, adoptant une propulsion à base « d’ailes de moulins » comme il l’appelait.
On imagine aisément le type d’hélice utilisé.

C’est une époque d’inventeurs, de découvertes. 
Les tentatives de progrès techniques sont souvent synonymes d’un long et pénible labeur.

Dans le bassin de la Manche (entre la capitainerie et le quai Roger Meunier de la pointe de Floride) Robert Fulton testera son mécanisme de torpille.

Il fera sauter un baril vide, propulsant une gerbe d’eau à plus de 20 m de haut !

Testés séparément les éléments techniques et militaires du Nautilus sont relativement prometteurs.

Le Nautilus quitte donc le port du Havre. Pour partir sur Cherbourg, son équipage espère bien couler un ou deux navires anglais sur la route. Au large du Havre, les bateaux ennemis patrouillent.
Mais il semble que les espions aient averti le commandement anglais de la présence d’une forte menace sous-marine, et tous les navires ennemis auront disparu le temps de la traversée du Nautilus.

A Cherbourg, Le Nautilus est échoué “sur une plage”.
Robert Fulton présente ses résultats au gouvernement Français à Paris. Malgré de bons résultats, le gouvernement n’est pas convaincu. Bonaparte ne conçoit pas une marine à vapeur pour l’avenir, et encore moins des sous-marins.
Et notre Nautilus ? Il finira abandonné sur sa plage. Véritable épave perdue.

Aujourd’hui encore il doit bien rester quelques vestiges entre les galets.

C’est une « petite histoire » havraise, mais ce sont toutes ces petites histoires locales qui ont fait la Grande Histoire.
Sa capacité sous-marine a fait la puissance de l’Allemagne lors des deux grands conflits majeurs qui ont touché l’Humanité.
Mais c’est aussi notre puissance sous-marine qui fait aujourd’hui la fierté de notre nation.
Et comme toute chose doit avoir un commencement…
C’est humblement, dans le bassin du commerce que les sous-marins de guerre moderne sont nés.

Sources :

Archives Municipales

Wikipedia

Musée de la mer de Cherbourg

Famousinventors.com

39clues.wikia.com

Cet article est tiré d’une conférence que j’ai présentée au Pasino pour l’AG d’une agence crédit mutuel en 2017.

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