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Un point sur la recherche sauvage de vestiges anciens, et la législation française qui l’encadre

Tout particulièrement au Havre, les vestiges d’une époque plus ou moins lointaine font souvent surface.

Qui n’a pas, au détour d’un sentier forestier, vu dépasser un curieux “machin”, “bidule”, “truc rouillé”…

Aux abords d’Harfleur (source : Clément K.)

J’entends souvent, à Paris ou à Rouen, que “Le Havre n’a pas d’histoire, pas de vestiges”. Et bien entendu, c’est faux ! Archi-faux !

L’Histoire de notre agglomération est omniprésente, mais il est vrai que nous n’avons pas forcément à payer un ticket d’entrée pour pouvoir accéder à nos monuments.

L’Histoire est omniprésente, et ce n’est pas que sous la forme de monuments que nous pouvons la voir.

Les objets d’autrefois font souvent surface. Nous laissant parfois perplexe, circonspect face à ces éléments dont nous ignorons parfois tout. Pour un jeune adulte de ma génération (90) il n’est pas forcément évident de comprendre certains objets.

Et pourtant, qui mieux que les jeunes générations ont ce devoir sacré que celui d’apprendre l’Histoire de leur pays, de leur cité? Seulement voilà, partir à la conquête du passé sans l’équipement adéquat, c’est un peu comme se lancer dans une expédition dans la jungle sans guide.

On fini vite perdu, et on ne trouve rien, pire encore, l’on fini parfois par se retrouver dans des situations désastreuses.

La recherche d’objets anciens, de vestiges à travers des “fouilles” est très fortement encadrée en France, et je pense qu’un petit article sur le sujet ne peut pas faire de mal, car c’est souvent par manque d’informations que l’on se retrouve dans ces fameuses situations désastreuses… Avec la police.

Une pratique très contreversée (source : groupe FB “detection loisir”)

“Je suis passionné par l’histoire, donc je cherche des objets anciens” n’est pas une justification suffisante pour entreprendre de soit-disant “fouilles” soi-même.

Je m’explique :

Il y a deux raisons à cela, une raison digne du bon sens, et une d’ordre juridique.

Qui cherche ?

Le chercheur…

C’est à dire celui qui a investit plusieurs années de sa vie dans un processus formateur sanctionné par un diplôme valorisant.

“Pourquoi vais-je me lancer dans la recherche de silex taillés si je n’y connais rien du tout ?” Avant même d’envisager de chercher, faut il encore savoir ce que l’on veut chercher, et surtout comment s’y prendre.

La démocratisation du détecteur de métaux a fait beaucoup de tort à l’archéologie française. Pire encore, notre Histoire commune finit de plus en plus dans des collections privées d’individus qui n’ont ni la culture pour comprendre ces objets qu’ils se sont appropriés, et encore moins le savoir pour les conserver. C’est donc sans surprises que de précieux objets, documents, finissent en poussière, dégradés… Et pour les vestiges qui subsistent certains finissent en vente sur internet !

Je vais vous donner un exemple de la catastrophe que représente un “auto-proclamé chercheur” armé d’un détecteur sur un site archéologique.

Sur la colline “X” se trouve la tombe d’un guerrier gaulois.

Cette dernière n’est pas encore connue des chercheurs universitaires.

Enfouie à 1.5m sous terre elle se présente sous la forme d’un sarcophage en bois avec son occupant et ses objets de valeurs, dont certains éléments métalliques.

(Source : revue.org)

Certaines parties de ses vêtements sont relativement préservés des ravages du temps. Une fouille préventive est prévue, car un projet d’autoroute est envisagé.

(Source : revue.org)

M. Martin passionné de détection et curieux d’histoire est plombier dans une petite entreprise locale. Il connait parfaitement son métier, mais l’histoire de la Gaule et des gaulois … sans plus. C’est le dimanche, il prend son détecteur de métaux, sa pelle et son pack de Pelforth et part à l’assault de la colline de notre guerrier. Arrivé en haut la machine infernale sonne ! Content, M. Martin prend sa pelle et creuse… Creuse … Et trouve des “machins rouillés”, des “bidules brillants”, des pièces? pas le temps pour examiner ça, mais ça à l’air “cool” il regardera chez lui…

Vient le Lundi, les fouilles préventives commencent. Les archéologues finissent par trouver la tombe de notre guerrier, ou plutôt ce qu’il en reste.

Le site est ravagé par des coups de pelles, la tombe est évidemment pillée, mais pire encore, il a plu pendant la nuit et comme M. Martin n’a pas rebouché son trou, l’eau a détruit les éléments précieux qui pouvaient rester.

Il sera impossible d’identifier ce gaulois, son rang, sa classe sociale. Un de ses os qui présentait une blessure caractéristique de flèche romaine a été brisé par la pelle de M. Martin. Jamais les chercheurs ne sauront de quoi est mort notre guerrier.

Un trou laissé par un chercheur du dimanche (source : bomyphoto.centerblog.net)

Il est une maxime qui dit “Quand on ne connait pas, on ne touche pas”.

Elle n’est jamais respectée.

Voici donc pour l’argument du bon sens, voyons à présent ce que dit M. le juge.

La loi du 18 décembre 1989 interdit l’utilisation des détecteurs de métaux à des fins archéologiques sans autorisation préalable. Le premier article de cette loi stipule que “nul ne peut utiliser du matériel permettant la détection d’objets métalliques, à l’effet de recherches de monuments et d’objets pouvant intéresser la préhistoire, l’histoire, l’art ou l’archéologie, sans avoir au préalable obtenu une autorisation administrative délivrée en fonction de la qualification du demandeur ainsi que de la nature et des modalités de la recherche”.

Je crois que l’objet de cette loi est évident, protéger les gisements archéologiques dont les couches ne peuvent livrer toutes les informations qu’elles contiennent, que si elles n’ont pas été bouleversées.

Bouleverser l’ordre des couches géologiques c’est priver un artefact de son contexte archéologique. C’est rendre impossible une datation contextuelle.

Si vous souhaitez utiliser un détecteur de métaux et fouiller, libre à vous d’entreprendre les démarches nécessaires :

Faites une demande à la prefecture.

Obtenez un accord écrit du propriétaire du terrain sur lequel vous souhaitez fouiller.

Formulez une demande de fouilles auprès de la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC).

Pour ma part, je pense que la meilleure façon de se former à ce genre d’exercice que sont les fouilles archéologiques, c’est de participer à l’une d’entre elles.

Cela permet de prendre conscience de ce qu’est ce travail de recherche puis de terrain et d’apprendre toute une série de gestes pratiques correspondant aux différentes phases de la démarche archéologique.

Certains chantiers recrutent des fouilleurs bénévoles chaque année.

La sous-direction de l’archéologie publie au mois de mai la liste des chantiers archéologiques accueillant des fouilleurs bénévoles.

Si l’aventure vous botte, renseignez-vous auprès de la DRAC.

Alors les jeunes générations comme la mienne ne peuvent rien faire ?

Si je résume, on cherche pas, et on laisse les diplômés faire le travail en travaillant bénévolement pour eux?

Ca me ferait mal !

Si, pour ma part, je n’apprécie pas l’usage du détecteur de métaux, c’est que je trouve la méthode bien trop invasive, destructive.
Il existe d’autres façons de procéder tout en impliquant une connaissance rigoureuse du sujet.

Si la méthode peut paraître barbare pour certains, il faut lire, lire, et lire encore, regarder des vidéos, aller à la rencontre des spécialistes ( ceux qui partagent leurs connaissances, pas les autres qui ne travaillent qu’à leur gloire personnelle).

Il faut apprendre à maîtriser son sujet. Se poser des questions, et si on n’y trouve aucunes réponses, alors il va falloir envisager d’aller sur le terrain.

Nous avons donc des objectifs à remplir (contrainte temps et problématique).

Il faut repérer une zone, vérifier qu’elle correspond à ce que nous cherchons. Et puis, il faut mettre en oeuvre le savoir acquis. Il faut aller sur le terrain les mains dans les poches, tout juste un petit carnet et un crayon. Observer, cogiter…

Et alors les vestiges anciens vont vous apparaître. Avant de chercher, il faut apprendre à chercher.

Une vertèbre de Pliosaure (source Jean Vaireaux)

Une vertèbre de Pliosaure (source Jean Vaireaux)

Une vertèbre de Pliosaure (source Yves Lepage)

Il existe bon nombre de méthodologies pour chercher. Chacune est adaptée à son sujet.

Par exemple, lorsqu’il m’arrive d’entrer dans un blockhaus et que je vois que le sol est un peu encombré et peu pollué par l’après-guerre, j’observe. Au besoin un petit croquis du sol peut servir pour l’identification d’éventuels objets. En fait, en examinant le sol, vous contextualisez vos futures trouvailles en fonction de l’endroit où vous les découvrirez. Repérez les évacuations d’eau, le cheminement “naturel” des flux ( air, eau, etc).

Mur du théâtre antique de Lillebonne (source : veronique-bardel.over-blog.com)

Ensuite allez dans le détail. Ce que vous preniez pour un tas de bois et d’autres déchets est en fait une caisse à munitions. Ce bout de caoutchouc, le reste d’un masque à gaz. Cette boite de conserve rouillée est en réalité une grenade à manche dont le bois a disparu. Danger !

Comme quoi, ces heures de lectures, ces heures d’observations n’auront pas été vaines.

Croquis d’une tombe (source : museeniepce.com)

Avant de trouver il faut apprendre à trouver.

Partons du principe que vous disposez des autorisations nécessaires à une démarche de fouille.

Votre zone est nette, claire, précise.

Délimitez votre zone.

Quadrillez votre zone.

Cartographiez votre zone.

Fouillez couche par couche.

Identifiez chaque trouvaille.

Numérotez chaque trouvaille.

Faites un croquis de chaque trouvaille, et/ou une photo.

Conservez votre trouvaille ( ne la stockez pas !)

Sur ce point prenez contact avec un musée, un muséum, avec la DRAC, ou une université.

Faites un petit rapport explicatif de votre travail. Racontez comment ça s’est passé. Quelle difficultés? Combien de temps ? Datez, situez.

Envisagez de restaurer ce qui est restaurable.

Communiquez sur votre travail, partagez discutez, écrivez. C’est notre histoire, elle nous est commune, et la partager c’est la faire vivre dans le temps.

Je n’ai pas la solution miracle, mais j’ose espérer que ce petit article aura le mérite d’exister et de prévenir d’éventuels désastres involontaires. Je sais bien que ça n’empêchera pas les “fouilles” sauvages, et que l’on continuera de trouver sur internet notre patrimoine “en vente exclusive !”.

Je n’ai pas détaillé les fouilles préventives car j’en sais finalement assez peu.

Si je prône la communication entre chercheurs et passionnés, je regrette que celle-ci ne soit que trop unilatérale à mon sens.

Certes je n’ai pas de diplôme, mais je suis curieux, et je voudrais en apprendre plus. Je regrette que les publications scientifiques sur les découvertes dans mon quartier soient payantes.

Je vais quand même partager avec vous le peu que je sais sur les fouilles préventives.

Les sondages :

Sondages vus du ciel (source : cours-univ.fr)

Les chercheurs organisent un système de tranchées tout les 20 mètres.

Les sondages peuvent être plus modestes et se faire à l’aide d’une tarrière.

A la Tarrière (source : cours-univ.fr)

Quelques plans de sondages (source : cours-univ.fr)

Les méthodes de fouilles archéologiques sont sélectionnées en fonction de la nature du terrain et du contexte (urbain, rural, sous-marin, souterrain…).

Les recherches sont organisées par une équipe hiérarchisée sous la responsabilité du chef de chantier (titulaire de l’autorisation de fouille).

La hiérarchie est essentielle pour mener à bien une fouille. Il y a une équipe de terrain, une équipe en labo etc…

Pendant le chantier rien n’est oublié ou laissé sur place, tout se doit d’être identifié, ramassé.

Même les plus petits débris sont collectés (source : cours-univ.fr)

Ensuite, chaque trouvaille est indexée, archivée en vue d’être conservée.

Ce travail est consigné dans le journal de fouille qui décrit les conditions matérielles de déroulement de la fouille, les moyens mis en oeuvre, les contraintes, les choix effectués… C’est dans ce journal de bord que l’on trouve les relevés, plans de situation, schémas, croquis, etc …

Ce genre de document est précieux. Et c’est ce que les petits amateurs comme moi aiment parcourir. Les publications scientifiques qui en découlent sont généralement d’une qualité incomparable.

Aujourd’hui, il y a un véritable engouement pour l’Histoire locale. C’est une excellente chose. Mais ce patrimoine nous est commun. Et le manque de formations, et d’informations est parfois fatal à certains sites. Tout particulièrement dans notre agglomération. Il n’est nul besoin de mentionner certains lieux pour deviner ceux auxquels je fais référence. Je souhaite que cet engouement persiste, mais je souhaite aussi que les moins scrupuleux d’entre nous se lassent assez vite.


Sources

Cours-univ.fr

Museeniepce.com

Veronique-bardel.over-blog.com

Jean Vaireaux

Yves Lepage

Bomyphoto.centerblog.net

Clément K

Groupe FB “detection loisir”

Revue.org

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