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L’Escalier de Tourneville

Plaque de l'escalier en amont, au niveau de la rue du 329 ème
(source : Collection Laurent Durel)

S’il est un escalier bien mal connu au Havre, c’est bien l’escalier de Tourneville. A y jeter un coup d’oeil rapide, on le croirait à moitié dissimulé sous le feuillage des chênes et autres grands arbres âgés de notre côte. Véritable parenthèse inattendue entre ville haute et ville basse, côte et plateau, l’on croirait, arrivé à son sommet, que le ciel y a décidé de tutoyer l’estuaire en s’y confondant.

Premier palier
(source : Collection Clesius Néofolk)

J’ai entrepris son ascension il n’y a pas si longtemps. Mais aujourd’hui, lui et moi on est copain. C’est un passage incontournable pour tout ceux qui envisagent une visite en salle de lecture des archives municipales du Havre, du moins si comme moi, vous venez de la ville basse. Je me souviens de ma découverte de ce lieu. “Rien d’extraordinaire… ah ! si ! La vue est pas mal”.

 

C’est tout !

 

Quelle ignorance de ma part !

Profitons de cette éclaircie et poursuivons notre ascension
(source : collection Clesius Néofolk) 

Il aura fallu que je glisse sur l’une de ses marches pour enfin prendre conscience que cet escalier ne se descend pas en courant…

Après que l’escalier m’eut adressé cet ultime avertissement, j’ai décidé de prendre mon temps en le fréquentant…
C’est qu’il est pas commode l’animal ! C’est alors qu’on appris à se connaitre.

Les marches creusées par le temps et les semelles des havrais
(source : collection Clesius Néofolk)

Ses murs tagués, ils ont une histoire à raconter… et je peux vous dire qu’ils sont bavards !

Ses marches, creusées par le temps, elles ont du en voir passer du monde…

Ces petites plaques de métal? Serait ce là le vestige d’une époque révolue?

Et ses briques … Ah ! Ces briques me fascinent… Je vais vous les raconter.

Vestiges d'un ancien éclairage ?
(source : collection Clesius Néofolk)

Mais avant de nous élancer dans cet escalier, je pense qu’il est intéressant de revenir un petit peu sur son passé.

Au XIXème Siècle, les lotissements se multiplient sur le plateau.

Tant et si bien qu’il devient urgent de multiplier les accès de la ville basse à la future ville haute.

C’est dans ce contexte que bon nombre de nos célèbres escaliers vont voir le jour.

L’escalier de Tourneville ne fera pas exception à la règle.

Et, en 1843, il est fait mention sur le cadastre d’un escalier à ce nom.

Faisons un petit saut dans le temps et remontons jusqu’en 1858.

En 1858
(source : Archives Municipales 1Fi10)

En 1886
(source : Archives Municipales 1Fi12)

En 1887
(source : Archives Municipales 1Fi3)

En 1895
(source : Archives Municipales 1Fi11)

En 1898
(source : Archives Municipales 1Fi69)

En 1957
(source : Archives Municipales 1Fi154)

Tous ces extraits de plan sont consultables intégralement sur l’excellent site des archives municipales du Havre : 
http://archives.lehavre.fr

La propriété Quesnel, bordant l’escalier.
La date est inconnue
(source :Archives Municipales 7Fi123)

Revenons à notre escalier.

En 1882 notre escalier est officiellement ouvert au public. 

Mais il faudra attendre 1884 pour qu’il soit achevé et qu’il ressemble enfin à l’escalier que nous connaissons aujourd’hui.

Et si nous descendions cet escalier ensemble à présent?

Nous allons quitter la rue du 329 ème et le descendre pour joindre la rue Delamare.

Sous une voûte protectrice d'un feuillage apaisant
(source : collection Clesius Néofolk)

N’allons pas trop vite.

Devant nous se dressent deux colonnes; elles pourraient bien porter un nom.

Et pour cause, elles sont couvertes d’inscriptions !

Approchons nous d’un peu plus prés…

Le Havre Secret est là, sous nos yeux...
(source : collection Clesius Néofolk)

Un autre mystère à élucider
(source : collection Clesius Néofolk)

Le Havre écrit sur ses murs, et le Havrais crie sur ses murs...
(source : collection Clesius Néofolk)

De 504 à 505
(source : collection Clesius Néofolk)

Je vous avais dit que cet escalier était l’un des plus bavards du Havre.

C’est un veritable pêle-mêle de signatures, de dates, de numéros, d’inscriptions en tout genre…

Si tout l’escalier promet d’être ainsi, ça va nous faire de la lecture !

Mais gare à où vous mettez les pieds ! La mousse qui pousse sur ses marches rend cet escalier très glissant.

Et une fois en bas… Et bien gardez bien vos yeux sur vos pieds, car le voisinage ne semble pas aussi sensible au charme de l’endroit que nous; et pour cause, c’est le rendez vous des Toutous pressés qui vont au “ptit coin” !

Continuons notre descente vers la ville basse…

Les briques blanches étaient déjà bavardes, mais alors les rouges ne sont pas mal non plus…

Ici, la signature d’un ouvrier.

Là, l’empreinte de doigt d’un briquetier.

Et juste là, le moule de la briqueterie a laissé sa marque.

C'est au tour des briquetiers de "mur murer" ...
(source :collection Clesius Néofolk)

Un moule accroché à sa brique comme une moule à son rocher...

(source : collection Clesius Néofolk)

Il signa de trois doigts son empreinte dans la brique...
(source : collection Clesius Néofolk)

Et plus bas?

Et bien plus bas c’est une veritable galerie d’art contemporaine.

Il semble que cet escalier ne soit pas oublié de tous finalement.

C’est comme si Le Havre avait pour habitude de vouloir y laisser sa signature depuis 1843…

Les graffitis y ont toujours été légions apparemment.

“L’on” m’a dit que ICKO était passé par ici… C’est plus fort que moi je suis allé jeter un oeil.

Certains diront turquoise, d'autres, bleu ICKO
(source : colelction Clesius Néofolk)

Certains nous suggèrent de lever la tête vers les arbres pour profiter de l'atmosphère sylvestre qui règne dans ce bout d'escalier ...
(source : collection Clesius Néofolk)

Ici, l'on fume le cigare et l'on déguste un verre de brandy en débattant sur la politique nationale...
(source : collection Clesius Néofolk)

Et là le coin des philosophes ...
(source : Collection Clesius Néofolk)

C'est bien dans l'escalier de Tourneville que l'on peut prendre un instant pour réfléchir sur le pourquoi du comment du sens de la vie ...
(source : collection Clesius Néofolk)

Passés les Memento Mori, une invitation à l'humilité...
(source : collection Clesius Néofolk)

Et le bestiaire fantastique de l'escalier de Tourneville continue de s'étendre paliers après paliers
(source : collection Clesius Néofolk)

Alors oui, on peut dire qu’il n’est pas sur son “31" l’escalier de Tourneville…

Mais a t’il déjà vraiment porté un costume?

En suivant les reste d’un probable éclairage au gaz, remplacé depuis bien longtemps par quelques ampoules électriques, je me suis posé cette question.

“En a t il toujours été ainsi?”

Reste d'un éclairage ancien
(source : collection Clesius Néofolk)

Vestige d'un éclairage ancien
(source : collection Clesius Néofolk)

Toujours de la lumière en ce coin d'escalier ...
(source : collection Clesius Néofolk)

Et comme une réponse de l’escalier, en observant le revêtement de ciment du mur…

Plus de 100 ans plus tard
(source : collection Clesius Néofolk)

Plus de 100 ans plus tard
(source : collection Clesius Néofolk)

Depuis approximativement 150 ans, Le Havre parle sur ces murs.

Les Havrais de toutes les époques nous font parvenir ces messages : 

Des noms

Des dates

Des pensés

Des engagements…

Et ils continuent !

"J'ai peur d'être oublié" 
Peut on lire ...
(source : collection Clesius Néofolk)

"J'écris gros car je parle tout doucement" 
C'est certainement ce qu'il a voulu dire ...
(source : collection Clesius Néofolk)

Honorant finalement une tradition bien ancrée…

Gravé au plus profond de la brique
(source : collection Clesius Néofolk)

Certaines inscriptions sont plus énigmatiques
(source : collection Clesius Néofolk)

Et … C’est tout ?

Oh non ! Loin de la !

Le mystérieux escalier à encore de nombreux secrets à révéler…

Mais peut être est ce là, le sujet d’un autre article à venir ?

Une inscription encore plus énigmatique, ancienne et très secrète "dans" l'escalier lui même...
(source : Photo urbexeur)


Sources


Pour rédiger cet article je me suis appuyé sur : 

 

“Dictionnaire Historique des rues du Havre” Archives Municipales du Havre sous la direction scientifique de Hervé Chabannes aux editions des Falaises.

 

“Indicateur du Patrimoine” Claire Etienne Steiner aux editions du patrimoine.

 

Ainsi que sur les ressources des Archives municipales (les côtes sont en légende des plans)


Mes photos ainsi que celles de mon ami Laurent Durel

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